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Chronique du livre de Mario Vargas Llosa, Le Paradis – un peu plus loin

vargas.JPGUne femme, un homme. Ils ne se sont pas connus, mais sont unis par les liens du sang. Elle, c’est Flora Tristan ; lui, c’est son petit-fils Paul Gauguin. Qu’est-ce qui a pu intéresser Mario Vargas Llosa à ces personnages historiques ? Sans aucun doute leurs origines amérindiennes. Car Flora Tristan était la fille d’un officier péruvien mort quand elle avait quatre ans. Quelle est, dans ce “ roman ”, la part de la fiction ? Quelle est celle de l’Histoire ? Peu importe. Une vaste double fresque fait alterner les chapitres consacrés à la militante féministe et ouvriériste, et ceux qui évoquent le peintre rebelle. Le parallélisme qu’établit le roman entre les deux destins met en relief ce qui les unit : la révolutionnaire comme l’artiste, chacun marche à sa manière vers l’idéal qu’il poursuit : la militante se dépense pour les autres ; le peintre, lui, quitte peu à peu tous les rivages peuplés et finit par s’ensevelir dans la solitude d’Atuona, aux îles Marquises. Tous deux finissent en parias.

Chaque chapitre est l’occasion, par rapprochements plus ou moins artificiels, de revenir sur le passé des deux protagonistes. Mais le plus passionnant, c’est l’évocation de la France ouvrière sous Louis-Philippe, et la floraison de courants socialisants, saint-simoniens, proudhoniens, fouriéristes et autres icariens… De même, la genèse et l’élaboration des grands toiles de Gauguin, dans la vie luxuriante (et luxurieuse !) de Papeete et des Marquises, où le peintre construit cette “ Maison du Jouir ” que Vincent et lui avaient projeté de bâtir, à l’époque des Alyscamps…

Mais s’il y a bien un domaine où se différencient radicalement la grand-mère et le petit-fils, c’est celui de la sexualité. Autant l’une, traumatisée par une cruelle expérience conjugale (commune à de nombreuses femmes de son temps) et par le dramatique spectacle de la prostitution londonienne, se refuse à tout homme, autant l’autre, délaissant à trente ans une froide épouse légitime (une Danoise dont il eut cinq enfants), découvre avec jubilation les plaisirs de la chair : cette énergie constitue, pourrait-on dire, le moteur de sa peinture !

Le Paradis, tous deux l’ont cherché sur terre : l’une a voulu le réaliser grâce à l’entraide, l’autre a pensé le retrouver aux antipodes. Mais, comme le dit le titre (allusion au jeu dont se souviennent Flora, au premier chapitre, et son petit-fils, au dernier), le Paradis est toujours “ un peu plus loin ”…

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