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journal du libraire - Page 2

  • Avis sur le livre - Kagaku-akademî to 'yûyô na kagaku' - 2

    C’est en fait dans les années 1780 que l’on constate des tendances qui touchent directement la définition du rôle de l’institution, composé de plusieurs éléments d’origine différente. Ce sont, l’initiative pour la réforme de l’Académie par le biais de Breteuil, ministre tuteur de l’Académie ; la volonté d’élargissement de la sphère du travail académique vers les sciences sociales, notamment chez Condorcet, secrétaire perpétuel à l’époque ; l’engagement successif des savants, surtout des mathématiciens, dans plusieurs cas des travaux public, en principe dans la zone parisienne, sous la forme de commission d’expert.

    Tous ces éléments, étudiés de façon dans leur conjonction, nous donnent un panorama structuré de l’évolution que l’Académie était en train de tracer jusqu’à sa chute pendant la Révolution. L’Académie essayait de se transformer en un appareil d’Etat, qui avait la capacité de rationaliser l’action gouvernementale par ses activités de commissions, basées sur ses propres recherches scientifiques. De ce point de vue, la poursuite de la recherche théorique était bien justifiée voire recommandée, par son « utilité » infiniment étendue aussi à l’échelle de temps qu’à celle des domaines.

    La chute de l’Académie a marqué la fin de l’ « époque des académies », mais les formes de son expérience antérieure ont marqué la création des nouvelles institutions scientifiques sous la Ier République et à l’époque Napoléonienne.

    * Le livre est issu de la thèse soutenue par Sayaka Oki à l'Université de Tokyo, sous la direction de Takehiko Hashimoto, et conduite en France sous le tutorat d'Eric Brian.

     

    Kagaku-akademî to 'yûyô na kagaku'  de Sayaka Oki The University of Nagoya Press, mars 2011.

  • Avis sur le livre - Kagaku-akademî to 'yûyô na kagaku'

    Ce livre* a pour objectif de reconstituer l’histoire de l’Académie royale des sciences, par l’analyse des discours sur l’ « utilité » à propos des sciences, et l’examen de ses tentatives diverses de les mettre en application. Par ces approches, l’auteur essaie de montrer le rôle que jouait l’Académie des sciences de Paris dans la cristallisation de l’idéal des travaux savants, d’une part fidèle à l’esprit des Lumières, d’autre part en fournissant un modèle de coopération entre les savants et l’Etat, qui devait influencer le processus de l’institutionnalisation des sciences après la Révolution.


    Au début de son histoire, l’Académie des sciences ne possédait pas d’autonomie ni de statut officiel que l’on peut espérer pour une institution savante. Il s’agissait d’un cercle protégé par le monarque, sous la logique du mécène dont profitaient aussi les artistes et les peintures sous l’Ancien Régime. C’est dans la première moitié du XVIII siècle que l’on observe une première forme de maturité, notamment avec la Régence, en formant une sorte de république des savants, détachée des discussions politiques ou religieuses, mais engageant en même temps des membres liés à la politique technique de l’Etat, comme les ingénieurs des corps royaux. Ainsi l’Académie conciliait sa préoccupation de montrer l’« utilité » des sciences par leur application technique, avec sa volonté de sauvegarder une espace pour les recherches théoriques ou « curieuses ».

    Les dernières deux décennies de l’Académie sont, selon l’auteur, un moment du changement majeur. L’impact de la réforme de Turgot dans les années 1770 était une de ses étapes, non pas décisive toutefois en ce qu’elle respectait la logique du non-engagement politique de l’Académie : les savants mobilisés par Turgot en tant qu’experts travaillaient hors le cadre institutionnel de l’Académie.

     

    Kagaku-akademî to 'yûyô na kagaku'  de Sayaka Oki The University of Nagoya Press, mars 2011.

     

  • Chronqiue de : Mai 68 Raconté à ceux qui ne l’ont pas vécu, de Patrick Rotman

     

    "Témoins engagé", "historien amateur" et forcément subjectif, Patrick Rotman entend resituer Mai 68 dans son véritable contexte : dix ans de mutations, dix ans d’efforts et de lutte pour que change le monde. L’ambition - opportune -, est noble, d’autant plus que le monsieur est une figure ce mois charnière, qui cristallise les espoirs d’une jeunesse autant que les récriminations contemporaines. L’auteur du mythique ‘Génération’ offre un tour d’horizon plutôt concis, voire un peu réducteur. Pourtant il a le mérite de ne pas jeter un pavé (ha ha) de plus dans la masse grouillante des outils commémoratifs. Et comme son nom l’indique, son récapitulatif est une excellente entrée en matière, pour toute cette génération qui, à en croire les sondages, se fout royalement de ces revendications de libertés qu’elle prend pour acquises depuis la nuit des temps. Une petite anthologie chronologique et thématique, qui répond à la question : "Que s’est-il passé en mai ?" et aborde l’héritage. Résultat, Mai 68, plus qu’un déclencheur, fut un véritable accélérateur, une détonation nécessaire pour secouer les consciences engourdies. L’utopie a peut-être fait long feu, certains crient aux dérives individualistes, laxistes, aux idéaux trahis, Rotman, lui, reste convaincu que le monde s’est modernisé.

    Sans doute un peu léger, trop optimiste et pas assez "contradictoire", ce ‘Mai 68 raconté à ceux qui ne l’ont pas vécu’ survole les faits, se nourrissant çà et là d’anecdotes et de répliques entrées dans l’histoire, et de théories personnelles. Une bonne entrée, donc, à compléter, à souhait, par des lectures approfondies et modérées.

     

     

    Mai 68 Raconté à ceux qui ne l’ont pas vécu,  de Patrick Rotman,  Editeur : Seuil, Publication :7/2/2008

  • Livre : Besoin de ville , Jean Noël Blanc

    Jean-Noël Blanc est enseignant à l'Ecole d'Architecture de Saint-Etienne. Or ce qui frappe dès les premières pages, c'est que l'auteur semble s'être volontairement dépouillé de sa casquette de spécialiste pour arpenter les villes en poète sensible à leur atmosphère spécifique, leurs ombres et leurs lumières  : "Les flâneurs et les poètes en savent sur les villes plus que les savants". C'est-là le bon usage de la ville et de la librairie . L'auteur nous entraîne à sa suite de Manhattan à Londres, de Berlin-Est à San Francisco, de Vienne à Palerme ou de Glasgow à Montréal, sans oublier la France, Paris bien sûr, mais aussi Caen ou Saint-Malo, et les deux villes les plus proches de lui et qui tiennent à ses fibres intimes : Saint-Etienne et Lyon. Au fil des pages sont convoqués de très nombreux écrivains, Dickens ou Joyce, Balzac ou Simenon, Mac Orlan, Fargue ou Léo Malet, etc. Néanmoins Jean-Noël Blanc ne saurait faire table rase de ses acquis de spécialiste. Ces derniers resurgissent progressivement et, au fur et à mesure, le ton se fait polémique,  Alors, un certain urbanisme moderne en prend pour son grade. On quitte la poétique au profit d'un discours qui tourne souvent au pamphlet. L'auteur avoue qu'il "enrage, bout, fulmine", et se lance dans une "diatribe".

     La diatribe est le plus souvent bien venue, mais il arrive - c'est normal!- qu'elle prête à discussion. Ainsi, en passant, Blanc concède que Le Corbusier est "un poète du béton", mais ce n'est qu'un tremplin pour mieux s'en prendre au théoricien.

    Pour ce qui est de Lyon, l'impression de l'auteur est certainement sincère, mais elle me semble trop tributaire de l'image traditionnelle de la ville bourgeoise, secrète et renfermée. Blanc est mieux placé que personne pour l'analyse des mutations qui ont affecté Saint-Etienne. L'image un peu jaunie qui nous est donnée de Saint-Etienne, la populaire laborieuse, et de Lyon, la bourgeoise coincée, risque de figer ces villes dans une "essence" permanente et immuable. Or Blanc n'ignore nullement qu'une ville, c'est aussi une évolution, un avenir, un "projet", mais en l'occurrence il a pris le parti de laisser libre cours à l'affectif et au "vécu" personnel.

    Pour le "liseur", comme disait Bernard Grasset, c'est sans doute un intérêt supplémentaire, grâce à la variété du ton et la diversité des points de vue. Quand un livre se lit avec agrément et passion tout en soulevant des réactions, c'est bon signe!

    Jean – Noël Blanc, Besoin de ville  Seuil, 248 p., 17 €

  • avis sur : Les piètres penseurs, de Dominique Lecourt - 2

    Dominique Lecourt épingle ce moralisme, pour lequel le problème fondamental de l'homme, c'est le mal radical, décrété impensable, et auquel il faut opposer l'amour, sous les figures de la Philia et de l'Agapè (mais pas d'Eros) et une moralisation de la politique fondée sur une conception humanitariste de l'homme. Et le professeur de Paris VII d'épingler les "maîtres de vie" qui ont fait la critique des maîtres penseurs. Face à ces propos, le philosophe en vient à poser cette question : "Philosopher, serait-ce mettre en noble discours l'expression spontanée de ces affects ?". Assurément non. Si Dominique Lecourt s'attaque surtout ici au moralisme en philosophie (qui constitue une négation, finalement, du philosopher), celui-ci excède largement les frontières du "milieu intellectuel" : il touche une bonne partie de la population française, les journalistes, les hommes politiques... Face à une situation complexe, c'est au sentiment qu'il est fait appel, par un discours lui-même emprunt essentiellement de sentiment (nous sommes à l'époque du téléthon, du sidaction, de l'aide humanitaire érigée en principe d'action politique, etc.), jusqu'aux concerts de bienfaisance de la street . En plus de faire l'économie de la pensée, cette attitude a en général pour conséquence de ne pas changer les choses sur le fond (ne négligeons pas toutefois les avancées que la recherche scientifique a pu faire grâce à l'argent récolté lors d'événements - devenus rituels - tels que le téléthon. Mais le problème de fond qui n'est pas pensé ici est le rôle de l'Etat dans la recherche).

    Le livre de Dominique Lecourt est à lire si l'on veut avoir une petite idée de ce qui s'est passé ses trente dernières années (depuis la "pensée 68") dans le paysage intellectuel français. Il est aussi à lire pour éviter de tomber soi-même dans la "philosophie" des bons sentiments.

    Auteur : Dominique Lecourt
    Titre :
    Les piètres penseurs
    Editeur :
    Flammarion
    Collection :
    Année :
    1999
    Prix indicatif :

  • avis sur : Les piètres penseurs, de Dominique Lecourt


    "Il fut un temps, dans notre pays, où l'on n'aimait pas l'eau tiède (...). Nous y baignons aujourd'hui".

    Dans ce livre, Dominique Lecourt, philosophe et professeur à l'Université Paris VII, retrace l'histoire de l'évolution vers "l'eau tiède", qu'il a vécu. Il fut un temps (les années 60) où les étudiants ne s'interrogeaient pas sur leur avenir, mais sur la contribution qu'ils pouvaient apporter à l'édification de la société, afin que ne se renouvellent pas les expériences tragiques de la première moitié du XXe siècle. Aujourd'hui, pour nombre de philosophes (André Glucksmann, Bernard-Henri Lévy, Luc Ferry, André Comte-Sponville, etc.), qui prennent la posture de l'intellectuel total, ayant relégué à un second plan séparé du premier, semble-t-il, par l'infini, la figure de l'intellectuel spécifique, il ne s'agit plus de changer le monde, mais seulement de le juger, selon les catégories du Bien et du Mal. Ce qui est retracé ici, c'est le passage d'une grande effervescence intellectuelle hétéroclite, dont Luc Ferry et Alain Renaut, "penseurs en mal de notoriété", ont construit l'unité fictive en 1985 sous le nom de "pensée 68", par la réalisation d'un "mirobolant montage théorique digne d'une grande leçon d'agrégation", à quelque chose qui, sous le masque de la philosophie, se révèle être de la non-pensée. Au delà du pamphlet (ce qu'est Les Piètres penseurs), et peut-être aussi, du règlement de compte, Dominique Lecourt pointe là un véritable mouvement de fond dans le milieu philosophique français - mouvement qui rend inessentielle l'opposition classique entre matérialiste (André Comte-Sponville) et idéaliste (Luc Ferry), dans la mesure où elle recèle en fait une identité de choix : celui du moralisme naïf et bien pesant, qui abandonne les arguments pour les bons sentiments. Nous avons alors affaire aux "piètres penseurs", dont plusieurs se sont engouffrés dans la voie journalistique ouverte, selon le professeur de Paris VII, par Maurice Clavel et, paradoxalement, l'inventeur de l'intellectuel spécifique devenu maître d'éloquence à l'occasion de la révolution iranienne : Michel Foucault (qui, semble-t-il, a mal supporté que lui soit reproché sa tragique erreur d'avoir soutenu l'ayatollah Khomeiny).

     

    Auteur : Dominique Lecourt
    Titre :
    Les piètres penseurs
    Editeur :
    Flammarion
    Collection :
    Année :
    1999
    Prix indicatif :